Erik, Jean Gilles et …
J’ai la chance d’être président/coach d’un club de trail qui organise un événement sportif autour de la course à pied.
Cette année, nous avions décidé d’inviter Erik Clavery, parrain de cet 3ème édition. Erik a couru avec les enfants et les adultes, mais il a aussi donné une conférence…
Erik Clavery en quelques mots : champion du monde de trail en 2011, détenteur du record de France des 24 heures et 4eme au dernier championnat du monde, vainqueur de la Saintélyon et de l’Ecotrail de Paris, 2 fois 4eme de la Diagonale des fous, 6eme et 8eme de l’UTMB. Erik projette, en 2020, de battre le record de la traversée des Pyrénées.
Alors quand un finisher en 58 heures de la « Diagonale des fous » rencontre un finisher en 24 heures, qu’est-ce qu’ils se racontent ?
Des histoires de fous ?
Des histoires de fous, pour les autres sûrement, mais pas pour les participants à ce type de course, qui savent que, pour aborder ce genre d’épreuve, il faut être tout sauf fou, il faut juste avoir envie de repousser ses limites et croire en soi, sans pour autant occulter la difficulté.
Il faut aussi « tordre » les schémas classiques d’entraînements pour, grâce à une excellente connaissance de soi, personnaliser son programme, l’adapter à ses spécificités.
Enfin, ce n’est pas parce que l’épreuve est « hors norme » (traverser les Pyrénées en 10 jours, par exemple, le futur projet d’Erik) qu’il faut tomber dans la boulimie d’entrainement qui générera sur-entrainement, perte de motivation et blessures.
Impossible de se préparer « physiquement » à traverser les Pyrénées en courant…la distance ne sera jamais faite à l’entraînement. Même Erik n’a finalement jamais dépassé 170 km en montagne (par rapport à plus de 900 pour cette traversée). Il y a donc une grande part d’inconnue, d’autant plus qu’Erik ne sait pas comment il va gérer, pendant 10 jours, des phases de sommeil de maximum 3 heures par jour.
En revanche, ce qui est « hors norme », c’est la puissance du mental sur la performance sportive … et le mental ça se travaille. Il existe plein d’outils : visualisation, schéma de pensées positives, mantras, PNL… Nous en serons plus lors de notre stage avec Erik le 17 mai.
Ce qui ressort de cette rencontre, c’est d’abord : simplicité, humilité, face à l’épreuve…mais aussi détermination, capacité de se remettre en cause et de tester de nouvelles choses pour devenir encore meilleur (yoga, auto-hypnose, sorties vélo …).
Erik s’est mis récemment à faire du « 24 heures » … épreuve qui consiste à courir 24 heures sur une boucle de 1, 2 ou 3 kilomètres. La première année, il est champion de France, la seconde, il est recordman de France et 4eme mondial.
Il « débarque » dans ce monde un peu fermé d’hyper spécialistes. Il écoute ce qu’on lui dit, mais, prend du recul par rapport aux vérités de la distance, pour écrire (ou plutôt courir) sa propre vérité, ce qui lui vaut les moqueries de certains.
Erik ne fait pas plus de 100 km de course par semaine, là où les autres dépassent les 200 km. Jamais de sorties de plus de 3 heures, même pour préparer un UTMB (hormis quelques WE choc de montagne).
Autre exemple, Erik part très vite les premières heures (plus de 13 km/h, quasiment à plus de 2 km/h que les autres concurrents). Il le fait parce que cela fait partie de sa stratégie de course qui est adaptée à ses caractéristiques de coureur.
Ce qui était perçu par certains membres de l’équipe de France comme de la folie, de l’ignorance voire de l’arrogance, est finalement juste quelque chose d’extrêmement réfléchie … teintée d’une grande confiance en soi et d’une volonté d’aller encore plus loin et plus vite.
Il ne se focalise pas sur ses concurrents et leur façon de courir. Il gère sa course pour optimiser sa performance en se focalisant sur lui et ses sensations.
Si nous n’essayons pas, nous ne pouvons pas savoir si c’est possible ou pas. C’est hyper simple, en fait, très pragmatique …
Et comme dans beaucoup d’autres domaines que le sport, ça repose sur une capacité à ne pas voir l’échec comme la honte absolue à éviter, mais comme une éventualité qui, de toutes façons, sera une opportunité de grandir encore plus, si on arrive à en comprendre les causes et leur trouver des solutions appropriées.
Erik évite aussi les « pensées limitantes ». La plus belle illustration, il la donne, quand il évoque ses derniers championnats du monde de 24 heures.
Il fait sa course, comme prévu, part très vite, est premier sur les 20 premières heures. Et puis, alors qu’il était juste dans « une bulle » pour optimiser sa performance, son coach, puis ses supporters lui disent qu’il va « facilement » battre le record de France … et du coup, cette information est venue « polluer » son moral, c’est devenu son objectif, mais un objectif « limitant » car facile… et finalement les dernières heures ont été très dures. Il est sorti de sa bulle de performance.
Il a finalement fait 272 km, record de France pulvérisé…mais son objectif c’est de faire plus de 300 km pour battre le record du monde sur piste. C’est un objectif qu’il a en tête depuis longtemps, il le trouve « beau », il lui donne du sens et il sent que c’est possible même s’il en est encore très loin.
Mais lui, il est persuadé que c’est possible, qu’il peut le faire, même s’il sait aussi qu’il peut ne jamais y arriver.
Quand il annonce cet objectif, il pourrait paraître « arrogant ». Il rêve juste « grand » et se moque de ce qu’on dira s’il n’y arrive pas.
Le monde est tellement peuplé de gens qui ne font rien, n’entreprennent rien par manque de confiance en eux et peur d’échouer … et qui, du coup, passent leur temps, enfermés dans leurs pensées limitantes, à juger, critiquer, se moquer de ceux qui n’y arrivent pas mais qui ont essayé.
C’est pour cela que rencontrer des champions comme Erik est extrêmement inspirant. Cela pourrait être juste génial, intéressant, magique parce qu’on côtoie un champion qui, par définition, fait des choses à un niveau que peu peuvent atteindre.
C’est inspirant car ce que dit Erik, ce qu’il explique, c’est transposable à chacun … et donc à MOI.
Cela donne du sens à mes propres objectifs et renforce mes convictions.
Erik propose des leviers de performances à activer, pointe l’aspect primordial de la préparation mentale et surtout donne des raisons d’y croire.
Tout va reposer sur ma capacité mentale à y croire jusqu’au bout, à ne pas me décourager, à faire passer des caps à mon corps pour aller chercher des ressources qui paraissent inaccessibles.
Bienvenu en « terres inconnues ».
Je ne peux pas parler de la venue d’Erik Clavery à Courçon, comme parrain de la 3eme édition de la « Cours’Son Nature », sans parler aussi de la venue de Jean Gilles Boussiquet, que nous avions invité à la conférence d’Erik.
Pour parler de Jean Gilles Boussiquet et de sa rencontre avec Erik, je vais reprendre le post Facebook de ce dernier :
« Quant au sport, quel plaisir qu'il offre de si belles rencontres que celle de Jean Gilles Boussiquet. Jean Gilles Boussiquet, ça ne vous dit rien ? 1034 km en 6 jours. 272,63 km en 24 h sur piste. Et tant d'autres performances hallucinantes ! Un maître grandiose empli d'humilité, de joie et de gentillesse. »
Erik était venu pour partager avec le plus grand nombre autour de sa passion et des moteurs de la performance. Une source d’inspiration pour nous.
Nous avons essayé de lui donner, à notre tour, une source d’inspiration en faisant venir Jean Gilles, un énorme spécialiste des 24 heures, encore détenteur du record du monde sur 6 jours. Un monsieur qui, à 74 ans, court d’ailleurs encore des « 24 heures ».
Nous avons été gâtés par ces échanges mêlés réciproquement de respect et d’humilité.
Nous avons vu une passation de témoin, une quasi-filiation … l’ancien qui adoube le nouveau venu sur la distance, en lui donnant toute son énergie, toute sa confiance.
Des échanges passionnés et passionnants de 2 grands champions…ou plutôt 3, car Jean Gilles était venu avec Guy Mallereau, autre grand artisan des 24 heures de Courçon, 48 heures de Surgères et 6 jours de la Rochelle, qui détient d’ailleurs toujours le record du monde des 6 jours en tandem (1 365 km réalisés avec son frère en 1992 aux 6 jours de la Rochelle).
Du coup, quand j’ai su que ces 2 grands champions allaient aussi venir pour rencontrer Erik et rendre hommage aux 24 heures de Courçon, je me suis renseigné sur eux.
J’ai lu une de leurs interviews et j’y ai trouvé un motif d’espoir…
Il faut passer ces fameux 3eme et 4eme jours de course, tout se joue dans ce passage délicat…
C’est ce que j’ai pu lire dans quelques récits sur le Tor des Géants et c’est aussi ce que ces champions disent dans une interview :
« Les troisième et quatrième jours, c’est là que tout se jouait, confie le quadruple vainqueur. Passés les 500 km, le plus dur était fait. L’endorphine prenait le relais, on devenait une machine, on se sentait mieux à trottiner qu’à marcher. À l’arrivée, on terminait le dernier tour groupé. C’était la folie autour de nous. Puis les gens nous attrapaient, nous tapaient sur l’épaule, comme des stars ! Nous, on ne dormait pas encore la nuit suivante, on faisait un grand repas, et puis la fête. Après en avoir bu pendant six jours, l’eau ne passait plus », sourit Guy Mallereau, qui reprenait sa tournée de facteur deux jours après l’épreuve.
Vivement que nous puissions faire la fête à Courmayeur !
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